Patrick W., créateur du blog d'Electroscopie, m'écrit :
concernant ton interet pour les synthés, j'avoue ne pas trop te suivre : tu parles souvent de synthés analogiques mais tu fait la "promo" des logiciels; qui a t il entre un EMS et son pseudo clone logiciel ?Je dois me tromper non ?
Non, Patrick, tu ne te trompes pas. J'aime les synthés hardware - actuellement j'ai deux Yamaha, le SY 99 qui est un monstre au niveau de la FM et un EX5R avec lesquels j'ai créé notamment la Grande Bleue ( autour des vitraux d'Alfred Manessier pour les journées du patrimoine à Abbeville en 1999) grâce à la richesse des timbres. Une création que je n'aurais jamais pu faire avec un Ems Synthi Aks, machine que j'ai possédée de 1981 à 1994. Cela serait resté au niveau du bidouillage sonore. J'ai donc revendu l'EMS, car après plus de dix ans, je ne supportais plus ses inconvénients, c'est à dire l'instabilité et la fiabilité. J'étais las d'être constamment obligé de tout enregistrer. Car avec l'Ems Synthi Aks, tu tournes u potard et tu changes totalement de direction. C'est bien quand tu veux t'évader, quand tu veux improviser. Mais quand tu as façonné une séquence amoureusement et qu'elle s'échappe sans que tu puisses la retrouver au bout d'un moment donné c'est frustrant. Donc exit l'Ems au profit du SY 99. Et sans regrets, au risque de m'attirer le courroux outragé des puristes de l'analogique. Ce que je ne suis pas même si j'adore ces vieilles machines vintage. J'avoue qu'un gros Moog Modular me fait craquer mais bon...
En plus, je viens de l'électro acoustique matiné guitare trafiquée. Et sur mon chemin, j'ai rencontré l'Ircam. Ce qui fait que depuis 1981 je fais de la musique sur ordinateur. Je suis un computer man... L'ordinateur est mon principal outil de création.
Si tu regardes la première photo, il y a l'Ems Synthi Aks et un Apple II 64k. Il était équipé du "Music System", c'est à dire la base de l'Alpha Syntaury, soit deux cartes de la Mountain Hardware qui transformait l'Apple II en synthétiseur numérique 16 voix. Ensuite, je suis passé au Mac LC puis au G3 que j'ai toujours.
Quand il y a un an, j'ai investi, en complément, dans un PC, pour utiliser notamment HpK Composer, un éditeur graphique pour CSound (réalisé par mon complice d'Hplank, duo que j'ai créé en 1981 avec Jean-Pierre Lemoine), j'ai cherché des émulations d'Ems. J'ai trouvé celle de Zootook pour Reaktor puis celle de Ludwig Rehberg, un ancien du Team d'Ems. Et j'ai été séduit.
Bien entendu, le son est plus propre que la vraie machine et il n'y a pas aussi la folie propre à la version hardware. Le numérique a ses limites, notamment la froideur. Certes. Mais ça se corrige. Aussi, quand j'ai essayé la démo, après plus de dix ans d'abstinence, j'ai eu le sentiment de retrouver en partie mon Ems Synthi Aks. Et je dis bien en partie... Et ce qui m'importe c'est de me rapprocher du son. Or, on retrouve bien le grain de l'Ems, en plus froid, ce dont je conviens bien volontiers.
Mais l'émulation, que je pilote avec des surfaces de contrôles, dont le Bitstream 3X qui a un joystick qui me permet de bouger dans tous les axes celui de l'AVS, a aussi pas mal d'avantages. Déjà, de pouvoir ajuster à la décimale près la fréquence de 0,05 hz à 10717 hz. Le petit "cadran", en haut à gauche, permet d'afficher précisément aussi la valeur du filtre, ainsi que de chaque paramètre. C'est très utile, ces réglages fins, notamment quand on veut travailler en ring modulation (avec Open Musique on peut faire des simulations avec les fréquences pour un résultat très précis) où moduler une fréquence par une autre. Sinon, c''est vrai que lorsqu'on traite une source audio, ça manque de pêche et il faut passer pas mal de temps pour arriver à obtenir un bon résultat. Ceci étant j'ai réussi à travailler des voix et le résultat me plaît mieux que n'importe quel vocoder. Mon indice de référence étant le traitement de la voix du récitant de l'Apocalypse de Jean par Pierre Henry.
Sur la vidéo que j'ai insérée de Brian Eno, du temps de Roxy Muic, on voit Eno, vers la fin, agir sur le joystick pour contrôler le son en assignant ses paramètres aux pôles du joystick. Avec l'AVS, je fais pareil, grâce au joystick du Bitstream 3x. J'ajoute que le LFO et l'arpeggiateur du Bitstream décuple aussi les capacités sonores de l'émulation. Et on en vient à la création. Moi c'est ce qui m'intéresse. C'est vrai que le son n'est pas exactement le même, qu'il est plus froid, que le Vst a moins de folie que la machine hardware, il n'empêche que l'on peut faire de sacrés voyages sonores avec.
Avec le vrai, je le passais dans une distorsion et dans une chambre d'écho alors ça ne me dérange pas de traiter le son de l'Ems Avs. Et au bout du compte, je suis persuadé que même un utilisateur de la machine hardware y perdrait son latin. Il y a aussi tous les paramètres cachés, comme les séquences aléatoires.
On peut créer ses presets ou patchs. Une séquence trouvée, un timbre, une modulation qu'on veut rappeler à tous moments, on la sauvegarde. Et surtout, on peut changer de configuration quasi instantanément. Pour moi, ce sont des avantages qui compensent le fait de ne pas avoir la vraie machine. Et comme je n'ai pas 5000 euros (c'est son prix actuellement) pour investir dedans, je ne regrette rien. En revanche, je suis sacrément heureux de pouvoir disposer de cette émulation qui a un rendu sonore bien particulier et surtout dont l'architecture de modulation est la même que l'Ems Synthi Aks. Et puis, rien ne m'empêche de travailler simultanément avec trois Avs ensemble ainsi qu'un Moog Modular VS d'Arturia. Je puis t'assurer que cela me donne une puissance sonore assez fabuleuse. Cet été, j'ai participé à une performance dans une usine, dans le cadre d'un fstival de jazz. A un moment, avec une montée en fréquence, on avait le sentiment que l'atelier allait décoller. Et je n'exagère pas.
Alors peut m'importe que le son ne soit pas exactement le même. L'essentiel, c'est de pouvoir créer avec. De faire
Epure en live, avec de l'Ems Avs, du Moog Modular V2, du Reaktor et du Gt6 d'un jeune bassiste Ohre One, lors d'une performance pour l'inauguration d'une exposition.
Enfin, actuellement, je me constitue un instrumentarium de rêve, virtuel, je te l'accorde, mais quand même sacrément créatif.
A+